Sur ce tronçon de rails qui relie les lacs de Neuchâtel et de Bienne, l’allure du train semble ralentir, ajoutant à cette sensation de changer d’espace-temps. De nuit, quand le ciel est d’encre, à peine voilé de quelques nuages, la raffinerie de Cressier a des airs de Gotham City. Sa grande cheminée de 105 mètres de haut éclairée de rouge, les silhouettes amples et inquiétantes de ses bâtiments bétonnés, de ses structures métalliques retorses et tubes surmontés d’une torchère incandescente, ainsi que la myriade de projecteurs qui jettent une lumière blanche et crue sur ses allées lugubres et désertes offrent un décor dystopique.

Les rares passagers présents dans le wagon tard ce soir-là penchent la tête pour l’observer. «La première fois que j’ai fait ce trajet, j’ai été presque choquée du paysage, complètement opposé à l’image de carte postale propre et écolo que j’avais de la Suisse», raconte Karina, une mère de famille d’origine vénézuélienne qui fait ce trajet quotidiennem